Lundi 3 décembre 2007 : Luxembourg : un dictionnaire de la mémoire

Echternach. Cliché MTP.

On peut prendre la vie au jour le jour. Non seulement on peut, mais on le doit. Il n’en reste pas moins que, si l’on a de la mémoire, le temps ne se vit pas avec cette évidence linéaire. 

Je reviens moi-même sans cesse sur ce qui affleure, quand je suis dans un lieu que je n’avais plus visité depuis longtemps. Et ce qui affleure est le souvenir du contexte des visites précédentes. Et dans le contexte de ces visites, les gentils et les méchants fantômes se donnent rendez-vous.

Qui était au plus près, qui m’a offert le plaisir d’une découverte ?  Quelle présence, souvent disparue aujourd’hui, guidait-t-elle mes pas ? 

Je n’évoque pas, par pudeur, les compagnons les plus récents, ceux qui partageaient avec moi le regard de l’amour. C’est d’un autre amour, celui des parents et des grands-parents, dont il est question. 

Parfois, c’est pourtant d’un créateur, dont la chanson était là, ce jour-là, d’un cinéaste, d’un écrivain, d’un journaliste dont les remarques me reviennent, accompagnées de l’émotion du moment. 

Cela ne me gêne pas, puisque ces mots sont pour moi et pour les plus proches. 

Possédons-nous tous cependant, avec cette acuité, cette contemporanéité totale, cette faculté de superposer les souvenirs, cette mémoire inépuisable des êtres et des faits ?  

Je ne plaisante pas si j’écris que je suis toujours en compagnie de ceux qui m’ont connu, là où je suis aujourd’hui. Leur voix ou le chemin qu’ils m’ont tracé…Tout est là ! Et c’est souvent autant à eux que je parle qu’à ceux qui m’accompagnent ! 

Plus encore si je suis seul, ce qui m’arrive le plus souvent. 

En ce début décembre, je suis au présent, contemporain de tous les débuts décembre de ma vie et dans tous les moments où je me suis croisé, dans les lieux où je reviens, encore et encore.

Je suis à l’écoute d’un concert et en même temps dans l’écoute de la musique intérieure de ce morceau que j’ai écouté, dans une autre salle, dans la retransmission d’une représentation venue de loin, ou dans l’écoute simultanée du son rivé à mon oreille, comme c’est le cas aujourd’hui, où la musique ne me vient presque plus que par le biais de mon ordinateur. 

Je suis un dictionnaire dont les pages se feuillettent en tous sens, ou ce livre de sables où de nouvelles feuilles viennent constamment se glisser entre les plus anciennes. 

Et je me raconte parfois le soir, en écrivant, ce que la page suivante va vouloir dire à d’autres. 

Décembre vit dans un monde où l’horizon rétrécit.  Le brouillard qui habite en permanence mon fond de vallée et le givre qui se dépose, comme la nuit dominante, tracent un cercle plus restreint autour de moi. 

La lumière de la bougie que j’allume, en alimentant celle qui va venir à celle qui s’éteint, me coûte un effort énorme, juste pour que le temps ne cesse pas complètement. 

Juste avant de repartir. 

Juste dans l’éclairage restreint.  Une page, puis une autre

Paysage du Luxembourg. Cliché MTP.

Laisser un commentaire