Mercredi 12 avril 2006, à Sibiu : un regard vers Paris, ma fille et le CPE

Tandis que la ville de Sibiu pousse, s’empresse, boueuse, sous la pluie, en préparation de son grand anniversaire de 2007, je n’arrive pas à oublier la fin du CPE.

Cliché MTP

C’est peut-être paradoxal, mais je reviendrai en Transylvanie cette année pour y voir plus clair et aller visiter les villages. Je serai donc amené à raconter comment cette partie de la Roumanie a évolué en dix ans, depuis mon premier voyage.

La nouvelle est arrivée avant que je parte. Elle grésillait un peu, montante et descendante en suivant les ondes voyageuses de France Info que je capte parfois difficilement à Echternach. Et puis je n’ai pas pu saisir complètement la déclaration du premier ministre. Le son est parti plus loin. Comme si cette déclaration «entre parenthèses» dont j’ai lu des extraits dans « Le Monde » n’avait justement que la signification d’une parenthèse.

« J’étais Gnafron, je redeviens Guignol. Attention, si Sarkozy m’embête encore, je vais peut-être prendre aussi le rôle du gendarme ». A-t-il déclaré quelques chose d’approchant ou bien plutôt : «Les conditions n’étaient réunies ni d’un côté, ni de l’autre…» ?

Quelle que soit la teneur de sa déclaration, malheureusement, les deux versions sont plausibles.

J’ai tout de même vaguement honte. Vaguement honte pour ces marionnettes qui ne semblent même pas savoir que ma fille et ses copains ont pris tout cela très au sérieux.

Pour ces responsables, c’était juste une saynette. Une longue parenthèse de deux mois. Une sorte d’entêtement d’un faux chevalier qui pense avoir à faire avec des moulins à vent et qui ne se rend pas compte qu’il a devant lui de jeunes héros.

Voilà donc, on peut passer à l’acte suivant. On a tiré le rideau et on laisse les enfants aller rejoindre les balançoires. Comme au jardin du Luxembourg.

Mais de fait il s’agit du théâtre des Palais de la République et le Président du Sénat Christian Poncelet, qui jette de temps en temps depuis son bureau un regard vers le théâtre de Guignol, ne peut ignorer l’ironie de la situation, lui qui deviendrait chef de l’Etat si jamais Chirac déclarait logiquement : « Je n’y comprends plus rien, je m’en vais…».

Mes enfants vous avez gagné ; non sans mal. Vous avez gagné cette partie là que vos adversaires ont tenté de jouer, un peu impuissants sur les tréteaux de la République.

Comedia de’ll arte…Comediante, disais-je à propos de la politique italienne. Mais ceux que vous avez devant vous ne sont pas même des Scapins.

Qu’allez vous faire maintenant ? Leur expliquer que pour vous ce n’était ni du théâtre, ni du cinéma ? Ou juste un peu parfois. « Comme dans les films » m’a dit ma fille.

Mais les voitures brûlées de novembre et le défilé de ceux de votre âge étaient d’abord une protestation : Puisqu’on ne nous entend pas, au moins qu’on nous voit ! A la télévision, bien sûr. Individuellement, sous le masque d’un pur montage, ou collectivement, derrière les banderoles. Mais bon dieu qu’on nous voit !

Eh bien je regrette de dire cela, mais je ne crois pas qu’ils vous aient vus. A peine s’ils vous ont entendus.

Le jardin qui entoure l’Elysée est grand et l’Hôtel Matignon s’ouvre dans une rue étroite dont les extrémités sont gardées, où la police éloigne les bruits ou les filtre.

Tout cela se passait entre eux, comme à Guignol, dans les coulisses. Puis devant les spectateurs, toujours comme à Guignol quand on apostrophe la salle pour poser une question dont on connaît la réponse.

« Vous n’avez pas vu Guignol ? » demande le gendarme à la salle.

« Non ! » crient les enfants.

« Vous ne direz rien au gendarme si il me cherche ! » dit Guignol à la salle.

« Non ! » s’exclament les enfants.

Et quand Sarkozy s’approche avec son bâton de Monsieur de Villepin, la salle ne crie même plus « Attention, attention, il est derrière toi ! ». Les enfants poussent un soupir de soulagement.

Au fond est-ce qu’on a bien réalisé combien c’est Sarkozy qui ressemble à Guignol ?

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