En prenant des notes, quand Pierre Daquin pose sur la table, les uns après les autres, des travaux de même format.
Carrés paradoxaux qui se suspendent plus qu’ils ne se présentent, qui ont chacun un parcours particulier, mais qui semblent bien être issus les uns des autres, se générer.
Leur suspension est spatiale d’abord en ce que leur paradoxe vient de l’illusion qu’ils manipulent tous en permanence : du près au lointain.
Mais leur paradoxe est tout autant objectal, car ils voyagent en permanence du descriptif à l’abstrait, du figuratif à la suggestion, de la richesse de l’accident, à la volonté acharnée d’un résultat.
Le Tiers s’exerce d’abord sur le sujet même de la peinture. Paysage ; en effet, comment ne pas y penser ? Mais quels paysages ? Celui que suggèrent quelques nymphéas accidentels, quelques éboulis possibles, une sorte de reflet de lune, qui n’est peut être qu’un trop plein d’encre ou de pigment… ?
Et que dire encore des allusions faites aux techniques de la peinture, quand la référence proposée est à la fois un bonzaï dont on sait que Daquin a élevé des dizaines avec une patience d’horloger – jeu d’échelle – un surplomb couvert de végétation réapparaissant dans la brume – paysage transitionnel comme on le dit du tissu d’en enfant qui l’aide à passer de la dépendance à l’autonomie – ou encore le sfumato de différents peintres, dont le célèbre Leonardo da Vinci, refusant le contour précis, ou encore l’éthique de la ligne, au profit de l’ambiguïté.
Tiers mondes encore qui nous amènent à chercher où nous situer et où le situer.
A quoi peut-on s’attendre quand l’abstrait est dans l’abstrait, le réel dans l’abstrait et le réel dans le réel ?
A ce stade où je veux écrire plus formellement, il ne me reste donc plus que de superposer des voies d’entrées :
Le cadre de référence
Les nymphéas et la tradition chinoise
Les rapports décalés et le porte bonheur
Peindre comme on tisse ou comme on fait une glaçure de céramique
Peindre avec des micro-catastrophes
Pousser la peinture ou la tordre
Rechercher l’accident ou la rupture
Savoir prendre le temps et le bonheur de peindre
La peinture ne rouille pas, c’est la rouille qui aide à peindre
Une peinture trouvée c’est à la fois le bitume, le cuivre, la rouille, la griffure ou l’encre de Chine
L’échelle et la loupe
Le rouge et le vert de l’Estérel
Eboulis et cailloux
Fer à repasser
La peinture en gravitation
Brouiller les pistes de références
Les Surréalistes interpellés
Le centre, le retrait, le vide
Le Sfumato, François Boucher et Leonardo da Vinci
On peut toujours dire comment le geste se passe, mais on ne peut prédire le résultat ou en préjuger
La solution est dans le vide, pas dans le plein
Quand le décoratif détruit le décoratif
C’est d’abord la trame qui est détruite comme si le peintre quittait la contrainte qu’il s’était imposée
Mais je me laisserais certainement guider par le choix de Pierre, lorsque les travaux et leurs références d’origine auront été placés côte à côte ou vis à vis, pour resserrer le commentaire.
Alors un désordre prendra sens et je sais déjà que ceux des travaux que j’aime le plus feront partie du paradoxe total.