
Lorsque les premiers rendez-vous avec les élus du Puy-en-Velay ont eu lieu il y a presque un an, il a tout de suite été question de la nécessité d’un lien direct entre les participants au colloque et les habitants de la ville. C’est vrai que, pris sous cette forme de vœu qui pouvait sembler un peu intéressé, à l’approche des élections municipales, cela avait plus l’air d’un slogan que d’une possibilité réelle. Et pourtant, ce sera certainement un des événements populaires parmi les plus marquants du programme du Conseil de l’Europe !
Il y avait de nombreux moyens de répondre à ce souhait. L’idée de la présence du livre et de l’écrit comme fils conducteurs pouvait donner une cohérence entre les représentants des itinéraires culturels, venus de tous les horizons, pèlerins engagés par le programme des itinéraires culturels depuis les premières heures et jeunes Européens, créant tous ensemble un maillage de textes expliquant en mots simples leurs convictions.
S’il devenait difficile alors de la mettre en œuvre au sein même d’un colloque commémoratif, la part d’imaginaire pouvait intervenir dans un ensemble d’expositions éclatées et de lieux de lecture.

Un salon du livre a joué ce rôle avec beaucoup de succès.
La littérature du voyage est abondante et mérite de se rassembler dans une sorte de fête. Des rencontres de cet ordre existent d’ailleurs déjà depuis longtemps, comme à Saint-Malo par exemple. Mais ici, dans un espace juste à la mesure du propos, la conjonction du savoir-faire de Gaële de la Brosse et de celui de Marie-Hélène Fraïssé, a fait merveille.
Et dans de telles occasions, on peut se laisser aller à la nostalgie et se remémorer, avec Marie-Hélène, les moments où nous avons collaboré pour certains enregistrements sur France-Culture. Savoir que la première série, intitulée « Paroles de Fil », date de la naissance de sa fille, fait prendre la mesure du temps.
Marie-Hélène est en effet une des rares journalistes de radio qui a su rendre, avec Pascale Lismonde, la mesure imaginaire des itinéraires culturels, en ouvrant les micros aux routes de la Soie ou de la Hanse, aux parcours vers l’Ouzbékistan ou vers Grenade.
Il en reste des témoignages que nous devrions rendre plus accessibles qu’ils ne le sont.

Mais ici, nous étions dans le pèlerinage comme point de départ et point d’arrivée !
La rue est aussi l’espace des pèlerins ; comme le chemin. Dans un moment privilégié où ce que l’on décide prend la forme d’une direction. Il y avait donc également une volonté de faire converger des marcheurs, de marquer leur arrivée par la plantation d’un arbre aux abords de la ville et de fondre leur arrivée à d’autres formes symboliques de pèlerinage : le théâtre de rue, le cortège, la cavalcade, l’accompagnement du grand déplacement par les bateleurs et tous les petits métiers qui se greffent sur les troupeaux en marche.
Une éternité du déplacement médiéval, mais dans l’actualité de l’acteur de rue.

Les marches des pèlerins ont continué au cours des temps, en masse ou isolées, dans un mouvement de Foi ou dans une expression de découverte collective, jusqu’à ce moment présent, où par la mise en scène dans la ville, il ne s’agit plus de démêler la raison et la passion, la recherche d’une solitude résolument partagée, ou de celle de l’action marquante au sein de la nature.
C’est là où les responsables de la ville du Puy-en-Velay, sous la coordination de Gérard Baume, ont mis en avant l’importance d’une convergence. Ils ont su utiliser la structure urbaine dont ils sont responsables depuis six ans en y laissant se répandre l’imagination d’un groupe comme Générik Vapeur. Un groupe connu, efficace, dont la poésie est d’abord exprimée dans l’occupation de l’espace à l’horizontale et à la verticale.


J’avais été séduit par la grande marche qui a ouvert les festivités de Luxembourg 2007 il y a presque un an, mais elle n’était que l’expression d’une sorte de commande ; d’un parcours obligé : bien faire et se faire remarquer par d’autres commanditaires.
Ici on a ressenti une énergie assez impressionnante, faite de dislocations et de pauses et d’encerclements ; parce que le son soulève le corps et que la mêlée est générale. Une troupe et une cohérence faite de fulgurances magiques ! Une grande réussite.

Pour tous ceux qui se sont investis dans la volonté de réaliser au mieux un moment de partage et de confrontation, il y avait aussi une sorte de soulagement.
Dans l’atteinte de la montagne qui ouvre sur la grande descente du chemin vers Conques.
Dans le plaisir des habitants d’un village qui redécouvrent avec de jeunes musiciens du conservatoire du Puy-en-Velay l’esprit de leurs danses traditionnelles.
Et dans ce flot tempétueux qui inondait ce dimanche la ville de bleu, d’orange, de rouge, tout un monde a agi et signifié le chemin comme espace commun et la rue comme métaphore du chemin.
Après l’orage, la tempête et l’héritage d’autres générations.
