Mardi 4 septembre 2007, Luxembourg, souvenir d’Alexandre Dumas

Goûter la viande de chameau. Cliché MTP

Si je me souviens bien, cela va faire une année que je me suis rendu en Azerbaijan. 

Curieusement, je n’ai pas trouvé le temps d’en parler, même avec retard. Et comme un mois est déjà passé sur l’actualité de ces chroniques, je ne vois aucune honte à revenir encore plus en arrière dans le temps !

Ce pays ne devait pas rester le seul à tenter l’aventure des itinéraires culturels, mais c’est comme si pendant un an, l’administration du Ministère de la Culture et du Tourisme qui nous a reçue, a attendu des présages qui lui viennent du ciel.  

Cette année, j’ai préféré à une mission personnelle en Arménie et en Géorgie, que des experts m’en rapporte leur impression. Cela me semblait en tout cas plus juste étant donné le temps dont je dispose et les distances à effectuer.

De ce côté-là de l’Europe, on ne peut aller passer un ou deux jours. Il y faut une semaine au moins. 

Cliché MTP

Pourquoi le Caucase ? D’abord parce que les trois pays de ce territoire que je viens de citer ont rejoint le Conseil de l’Europe ces dernières années. Extrême limite de l’Est ? Sans doute ! En effet, pour un moment ! Mais aussi parce que le Conseil de l’Europe souhaite, sans grands moyens il est vrai, aider ces pays dans le domaine culturel ; y compris en ce qui concerne le tourisme culturel – et se prend parfois à rêver de développement des industries de la culture.  

Il y a une part d’utopie pour certains, de discours pour la forme pour d’autres, car rien n’est moins facile que de soigner même une partie du grand corps malade de l’ex URSS, sans agir sur la santé générale du corps en question. Et les soubresauts d’une politique de regret du passé qui règle les rapports entre la Fédération de Russie et la Géorgie, par exemple, ne facilitent pas les choses.  

Il reste enfin une raison positive.  

Certains de ces pays sont demandeurs, en proposant des thèmes qui montrent leur volonté de s’ancrer à l’Ouest de l’Europe, ou du moins d’en attirer les visiteurs. C’est l’Azerbaijan qui a proposé il y a déjà trois ans de préparer un parcours qui reprenne les traces d’Alexandre Dumas dans le Caucase.

Voyage au long cours, longue écriture profuse, bien dans la manière du romancier, qu’il faudrait que je lise entièrement pour me faire une meilleure idée de la part de descriptions pouvant être utilisée et de celle du caractère volubile d’un homme qui découvre chaque jour des passions humaines et des paysages exotiques susceptibles de nourrir ses pages et celles de ses « aides ».  

Cliché MTP

Le goût chaque jour plus important en Occident pour les écrivains voyageurs, qui a amené à publier les voyages en Italie du même auteur, pourrait faire le reste, si on parle de recherche d’un succès touristique. De plus, il y aura 150 ans en 2008 qu’Alexandre Dumas a fait ce voyage.  Une constellation de circonstances positives qui restent à exploiter par les concepteurs du projet et non pour eux, car nous ne sommes pas supposés nous mettre à leur place. 

Cliché MTP

Mais que peut-on montrer, faire visiter ? Sur quelles ailes du rêve peut-on faire partir des touristes ? 

Nous sommes restés un peu sur notre faim. Je veux dire, mes deux compagnons ou plutôt compagnes et moi. Je ne parle pas des officiels qui nous accompagnaient et qui étaient heureux du voyage. Heureux de sortir des institutions qui les emprisonnent un peu. Satisfaits ? Je ne saurai jamais car les ministres aimeraient que tout cela aille plus vite et les ont peut-être tancés au retour de nous avoir montré des musées où les objets sont à portée de mains sans protection, au mépris des règles de l’ICOM. 

Fanny Egretaud a joué un rôle majeur en nous expliquant ce qui se disait autour de nous en russe, langue commune à tous, et …surtout ce qui ne se disait pas ou ce qu’on ne nous a pas traduit. Tomke Laske, avec son passé d’exploratrice de l’Amérique du Sud et de l’Asie, a pris en compte les moyens, les réalités économiques et a prescrit des interventions qui mobilisent les responsables.

L’homme qui a vu l’homme…qui a vu Alexandre Dumas. Cliché MTP

Mais on est encore bien là dans un pays non seulement centralisé, mais un pays qui garde l’habitude d’une image paternelle et bienveillante de ses dirigeants tout au long des avenues, des parcs, des champs, des usines…dans des dimensions d’affiches impressionnantes.  

Probablement que je ne connais que les pays où le pouvoir n’avait pas besoin de se mettre partout en scène pour totaliser le contrôle, grâce à une police politique omniprésente et à une télévision sidérante. Ou bien des pays où des statues et des fresques allégoriques constituaient la bande dessinée, omniprésente elle aussi, narrant au jour le jour les élans politiques d’un peuple et de ses chefs.

Cliché MTP

Ici la mise en scène prend la forme de panneaux de six mètres sur quatre. Et dans la mesure où le président était décédé depuis seulement quelques mois avant notre venue, victime d’un cancer que même les mises en scène n’avaient pu cacher, il est partout représenté avec son fils, qui lui a succédé sans discussions. 

Ce couple quasi royal et dynastique inaugure des usines, conduit les travaux agricoles, accueille des enfants, bénit un peuple qui construit des infrastructures pour un avenir rayonnant. Un peuple riche de promesses et surtout riche du pétrole dont l’odeur est prégnante à Bakou et sur une bonne partie de la côte caspienne.  

Mais en ce qui concerne Dumas, où en est-on en effet ? 

La pendule d’Alexandre Dumas. Cliché MTP

Si la fiction existe belle et bien, il est vrai que les traces réelles sont minces. Et pourtant c’est ce qu’on a d’abord essayé de nous montrer pour authentifier la démarche.  Nous avons rencontré l’homme qui a vu l’homme, qui a vu l’homme, qui a préparé le sandwich à la viande de chameau pour Alexandre Dumas, sur une plage de la Mer Caspienne. Ou encore la petite fille de la femme qui a assisté avec ses parents au mariage auquel Alexandre Dumas a participé, en offrant une pendule murale française aux jeunes époux. 

Combien de pendules françaises Dumas a-t-il transportées dans ses bagages ? Je ne sais pas, mais il semble qu’il ait fait une grande publicité pour l’horlogerie française.    

Il est vrai que l’une des pendules en question est toujours là, bien accrochée, et que le coin de rue où se trouve située la maison des propriétaires, avoue que le quartier a bien changé, même si les petites boutiques vendent toujours des melons, des fruits exotiques et des loukoums. 

Cliché MTP
Cliché MTP
Sur la Route de la Soie. Manufacture de tapis. Cliché MTP

De quoi est-il question en fait ? 

D’un pays merveilleux et authentique, où la seule route nationale qui marque le grand axe de circulation suivi par Dumas est encombrée de moutons et de vaches. 

D’un pays où, dans la journée les troupeaux de buffles et – à la nuit tombante – les ours traversent les routes. 

D’un pays dont le climat permet toutes les productions des richesses de la terre, ainsi qu’une viande de moutons délicieuse, comme celle du chameau, plus surprenante.

On se retrouve comme dans un paradis tropical. Un pays où la montagne suit les vallées des routes de la soie. Un pays qui accueille les touristes russes et iraniens, en cherchant l’horizon de nouvelles catégories de visiteurs plus diversifiées. Un pays où on peut prendre conscience concrètement de l’importance de la branche orientale d’un catholicisme et d’un art roman qui nous paraissent exotiques.  Un pays islamique et laïc où les Juifs de montagne sont aidés pour protéger et restaurer leurs synagogues.  

Un cas unique ? J’y reviendrai. Il reste encore à dire.

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