



Pourquoi choisir Marseille ?
Je pourrais dire en toute simplicité : pour le soleil. Et il me semble que j’ai raison. Je regarde la carte météo qui dessine l’humeur des hommes et me permet de parler du temps qu’il fait. Je vais être sans conteste un privilégié en France. Sans excès de chaleur, avec ce qu’il faut de vent et la douceur de la peau qui se tanne.
Pourquoi une ville et de surcroît une des grandes villes de France d’où montent régulièrement des rumeurs de désordre et d’incivilité ?
Juste pour changer. Etre touriste sans avoir besoin de rendre un avis ou un rapport. Etre touriste dans ma mémoire et parler de cette mémoire éparse à ma fille. L’embêter avec ce trop plein, mais en même temps le lui transmettre sans trop s’imposer. Et puis tout simplement passer le temps sans obligations.
Je ne voulais pas prendre le risque d’une forêt inflammable, ni d’un bord de mer trop fréquenté. J’avais un peu peur d’un arrière pays trop poussiéreux. Je voulais tout simplement découvrir ma paresse en prenant, avec un peu plus de largesse qu’à l’habitude, des mesures sur ce que je n’avais pu que pressentir à une ou deux reprises.
Et puis une ville change et détruit ses propres clichés, même si, sournoisement, elle continue à s’en nourrir. L’O.M est trop présente et Pagnol se meurt dans le restaurant de poissons du fils de Fernandel…Mais Pierre Fresnay et Raimu se font toujours face, de part et d’autre du tramway, réapparu de son propre tracé, avant que les « velib » de Marseille ne partent dans quelques semaines à l’assaut des collines.
Je parle de ma première venue, avec mes grands-parents, par un mistral d’avril 62 à ne pas tenir debout, sur les quais de la gare Saint-Charles.
Je parle de ma première expérience au volant d’une voiture de location, avec mes parents, un été 65 et de la merveilleuse rencontre avec Emile Bodin, viticulteur et félibrige.
Je parle d’un moment exclusif où j’étais venu rejoindre qui j’aime, en promenant nos regards croisés sur les quais du Vieux Port.
Mais je ne veux pas trop parler au-delà des traces du passage de mes parents, jeunes mariés, rejoignant la Corse et rencontrant les mafias triomphantes dans les cafés de l’avant-guerre. Je veux parler d’aujourd’hui et de ma fille qui est déjà venue, rapidement, en partance elle aussi vers la Corse et prolongeant sans le savoir une attirance génétique pour la Méditerranée.
Nous aurons marché. Beaucoup marché. A la découverte. Séduits, certainement, par une ville surprenante, dans un quartier qui se cherche en tant que communauté, celui dit du « Panier », entre bistrots accrochés à l’accent Pastis et une Vieille Charité désertée par l’été, mais belle comme un hôpital reconverti, dans la justesse de ses proportions architecturales et de ses fonctions. Plus une trace de misère ou de maladie et pas une odeur. Une épure !
Et, plus loin, une salade de sardines. Des moments de grâce !
Même si ce n’est pas la vie quotidienne, je sens que cela pourrait le devenir. Il faut juste que je choisisse. Et ma fille me pousse à faire ce choix, simplement en souriant.
C’est cependant à deux pas ; au-delà de ces petites places aménagées pour l’ombre et de ces ruelles portugaises qui nous portent vers un horizon de connivence avec d’autres villes tombant vers une mer ou un fleuve, que la misère refait surface ; là où les immeubles populaires n’ont pas encore été reconvertis pour les riches. Et elle fait surface en protestant contre des plans trop propres, des plans qui se situent entre la crainte de l’immigration permanente et celle d’une banalisation policée, sinon policière. Des plans d’urbanisme pour gagner de la notoriété…et de l’argent !
Ce « Panier » dont on dit qu’il a été beaucoup détruit, restera pour moi un énigme. Je veux dire une énigme, comme le sont tous les espaces négligés, lacérés, empiétés, cernés par la volonté immobilière. Il s’agit pourtant d’un centre de gravité que personne ne peut deviner de l’extérieur. Comme un ghetto, mais un ghetto hérité des Grecs, des Romains et que la traversée du Moyen Age laisse dans une grande interrogation. Des artisans y sont installés aujourd’hui, comme en l’île Saint Louis à Paris; la modernité post-moderne, certes, mais aussi une sourde présence, une sorte d’entêtement à continuer d’exister. Nous sortons d’un côté, vers le boulevard en travaux, puis de l’autre vers la cathédrale de la Major cernée elle aussi de chantiers. La ville semble partie à la conquête d’une capitale européenne de la culture, à venir. Creusée de partout, entre des îlots de saleté préservés.
On peut lire sur de grandes pancartes : « Euroméditerranée change l’horizon de Marseille » et plus loin « Euroméditerranée partenaire de Marseille and Cow ». Masque culturel qui vient s’échouer, comme une vague entre des grands entrepôts désertés et un musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée en préfiguration dans le fort Saint Jean. Comme un large glacis dont il va falloir attendre la conquête. Marseille l’européenne qui ne veut plus être grecque, seulement ?
Il faudrait revenir…dans dix années. Le temps d’une génération. Quand les pieds noirs réfugiés auront disparu et que leurs enfants auront créé un autre profil, une autre nostalgie ou une autre utopie. Un autre glacis vers la mer.
Mais Marseille commence pour nous aujourd’hui et commente sa propre vie. Dans un espace du musée des civilisations, un hommage est rendu à Georges Henri Rivière. Sa haute silhouette semble rivaliser avec celle de la Tour Eiffel. Seulement un hommage ? J’ai envie de confiance après avoir été séduit par l’exposition sur l’olivier que le musée a réalisé dans le métro d’Athènes voici trois ans avec Marinella et Georges. Le Directeur et son équipe désirent nous parler des « Trésors du quotidien » et ils y réussissent. L’après Georges Henri Rivière ou tout autre chose ?
Ce sont ces trésors là, des pains votifs des Sardes aux tags de nos cités que la ville accroche à ses fenêtres pour se souvenir. J’en suis conscient !
Méditerranée.
C’est bien là que j’ai choisi de venir. Et avec ma fille !
Et lentement, nous revenons au soleil, devant les enfants qui s’éclaboussent et les pêcheurs de moules qui font fi des règlements et des interdictions.
Quel bonheur !
Bonjour,
c’est ma premiere ballade sur ce blog et je ne regrette pas le detour… Je le place directement en lien sur une etagere de mon Cafe-blog !
Europeenne et voyageuse inveteree, et marseillaise, j’apprecie particulierement la ballade a Marseille, Cassis, Carnoux. Je suis toujours heureuse que quelqu’un passe outre les rumeurs de desordre et d’incivilite (en verite un melange culturel et de l’impatience face aux critiqueurs :), et sache apprecier Marseille a sa juste valeur, et en parler simplement, comme vous l’avez fait.
A une prochaine visite – bientot !
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