Mardi 13 mars 2007, Florence et Cézanne

Villa Gamberaia. Cliché MTP.

Dans le peu de temps qui me restait entre deux rédactions officielles et avant de reprendre l’avion, j’ai profité de la proximité du Palazzo Strozzi pour rendre une visite à Cézanne et tout simplement pour me faire plaisir.

Je n’ai pas eu la possibilité de me rendre en Provence l’été passé pour l’anniversaire du peintre et à vrai dire, je me demandais bien ce qui relie l’artiste à la cité toscane. Cette exposition qui attirera certainement de nombreux visiteurs vient d’ouvrir et ce lundi matin, nous étions peu nombreux. Un véritable privilège. 

De fait, je retrouve, ou je découvre dans leur réalité, des œuvres de Cézanne. Elles viennent des Etats-Unis, de Madrid, de Londres ou de l’Hermitage et la mise en espace qui en est faite, établit avec clarté un triangle unique, tel qu’il pouvait encore se former dans un monde aristocratique qui affirmait sa distinction entre l’éternité de l’art italien, les inventions de la modernité dans les cercles impressionnistes européens, chez Pissaro, Van Gogh ou Sargent et la richesse de collectionneurs qui font l’acquisition auprès de Vollard de dizaines de tableaux du peintre d’Aix et les couvent précieusement dans une adoration presque maladive.  

Ces collectionneurs sont Charles Alexander Loeser et Egisto Paolo Fabbri. Leur histoire est bien entendu celle des rapports – j’allais dire climatiques – entre le monde anglo-saxon et la Toscane. L’exposition parle aussi de villas acquises par les princes et les entrepreneurs et de rencontres artistiques autour des collections, mais aussi de l’effet de ces collections sur les peintres et les sculpteurs italiens. On y côtoie Bernard Berenson et la Princesse Ghyka, cette roumaine qui fit aménager la splendide villa Gamberaia où les rencontres autour des jardins nous ont amenés déjà plusieurs fois, ou Violet Page (l’écrivain Vernon Lee). 

On y rêve aussi de la rencontre d’avril 1910, première exposition impressionniste à Florence où se retrouvent les œuvres de Cézanne, Gauguin, Forain, Renoir, Toulouse Lautrec, Van Gogh, Matisse, Monet et les torses de Medardo Rosso. 

Madame Cézanne au fauteuil rouge

Madame Cézanne a ainsi envahi les murs de Florence puisque c’est elle qui est chargée de la publicité de l’exposition et du rapport étroit qui est créé avec le mai florentin. Elle s’est posée sur un fauteuil rouge. Son visage est devenu une icône. Il prend sa place à chaque coin de rue, en rivalisant avec les madones éclairées dans les petites chapelles votives. Massif, le nez semble un point focal du tableau, comme une indication de la lumière qui vient de la gauche et dont rien ne trahit par ailleurs le sens dans le reste du tableau. Un rouge de mon enfance, comme celui des fauteuils et des canapés qui sont maintenant à Evian. Un rouge pelucheux où la robe bleue, simplissime, de Madame, vient affirmer l’humanité douce, à l’encontre du drame sang sur lequel elle se découpe.  

Le pinceau s’est partout appuyé. Il a affirmé une puissance. Eclats et fusions.  

Et dans la rigueur printanière de la Toscane, j’ai une folle envie des tremblements sensuels du calcaire, quelque part, dans la Sainte Victoire triomphante.  

Villa Gamberaia. Cliché MTP.

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