Dimanche 7 décembre 2008, Le Clézio à Stockholm

 

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Dans les attendus du prix Nobel que Jean-Marie Gustave Le Clézio reçoit aujourd’hui, on peut lire que les jurés l’ont considéré comme «  L‘écrivain de la rupture, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle, l’explorateur d’une humanité au-delà et en dessous de la civilisation régnante. ».

Hier après-midi, dans une petite église, située à Älvkarleby il a reçu le prix de littérature Stig Dagerman car, disent les responsables : « Jean-Marie Gustave Le Clézio remplit les feuilles blanches avec les plus belles combinaisons de mots, puisées dans la conscience de l’existence injuste et injustifiée des faibles et des exclus ». 

Nous écouterons attentivement ce soir quelles seront ses paroles, en particulier sur les liens interculturels. Mais en attendant, je ne pouvais résister au plaisir de citer un passage extrait d’un de ses plus beaux livres. Un livre qui nous parle de l’origine de l’homme (L’inconnu sur la terre, L’imaginaire Gallimard 1978). 

« La vie est longue et belle, simple et magique. Celui qui danse ne se demande pas pourquoi il danse. Celui qui nage, celui qui marche ne se demande pas ce qu’il fait. L’eau, le terre le portent. Il suit son mouvement, il va en avant, il glisse, il s’éloigne. Pourquoi celui qui écrit se demanderait quelque chose ? Il danse, il nage, il marche… 

Je voudrais appliquer toute ma volonté à ne rien tenir, à ne rien garder, non pour me libérer des attaches, ou des souffrances, mais parce qu’il n’y a pas de vérité qu’on possède. Parce que libéré de ces inutiles bagages que sont les possessions, le voyageur – l’être – peut aller enfin, entrer dans tous les règnes de la vie. 

Pour être vivant, il suffit de voir, de sentir, d’entendre. Ne rien vouloir des autres, ne rien espérer, pour que les yeux, le nez, les oreilles, la langue, la peau, les entrailles puissent rester attentifs, vibrant avec l’extérieur. Il n’y a qu’une seule passion, c’est celle de la vie en vie sur la terre. 

Je ne cherche pas un dieu, mais un homme ; je ne cherche pas un paradis, mais une terre. 

Je n’essaierai pas de forcer la vie à se montrer. J’attendrai que les hommes, les animaux, les plantes soient là par hasard. Ils viendront, dans la lumière, facilement, ils seront là au coin de n’importe quelle rue, au hasard, un homme vêtu d’un imperméable mastic, une femme vieille, un chat tigré, un arbre, un caillou, un fruit tombé à terre. 

Ce n’est pas moi alors que je retrouverai, comme dans un miroir. C’est tout ce qui en moi n’était pas moi, tout ce qui était autre, tout ce qui n’était personne.  

Je voudrais être comme celui que la vie forme, que la lumière frappe. Ainsi, chaque jour, sans oser apprendre, sans espérer comprendre. ».

Photographie : Les Métamorphoses d’Ovide. Mise en scène Silviu Purcarete, Abbaye de Neumünster, 2007. 

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