
Deuxième film espagnol recommandé par Marie à Madrid. « En la ciudad de Sylvia ». Un film tout en ronds et en déliés. Je laisse volontairement de côté les pleins qui sont rares. Un film poursuite. Un film cadré sur les visages, ou sur les silhouettes, ou sur les passants, comme des figures errantes.
Un film jeune comme une pomme verte. Il agace donc les dents.
Celui-là ne sortira en France qu’en septembre prochain, mais il sera présent à Venise cette fin d’été.
Jose Luis Guerin est un brillant cinéaste dont les longs métrages ne dépassent pas le nombre de trois. J’aurai l’occasion de reparler du second de ses films que j’ai rapporté également, « En construccion » qui a obtenu le Goya du meilleur documentaire et doit également sortir en France en septembre.

Mais si je reste un instant sur celui-ci c’est qu’il me prend par le biais de la nostalgie.
Entre le café de l’opéra, la place Broglie, et les rues labyrinthiques du centre-ville et de la Krutenau, jusque vers la petite place du jeune garçon qui capture les mésanges, il me laisse pantois. Ce sont mes parcours, pendant cinq années dans Strasbourg qui sont là. Et les fenêtres du tram qui s’ouvrent sur autant de visages, caressent le regard comme un miroir sans tain. Et mes promenades aujourd’hui, quand j’ai la chance d’y retourner, comme en ce début d’année et que la vue du barrage Vauban depuis mon appartement me plonge vers les bords de l’Ill et dans l’assaut des rues, où j’ai failli habiter, quand je cherchais un appartement en 1992, où j’ai connu des amis, visité des expositions, poursuivi mes propres rêves et trouvé l’amour.
Une ville est en effet un labyrinthe. Une ville se poursuit, au travers des ombres et des souvenirs qui la hantent.
La pomme verte va mûrir, j’en suis certain. Et les jolis visages des passantes seront toujours aussi jolis quand le soleil fera vibrer, une fois de plus, une lumière venue se piéger dans le fossé rhénan. Mais le cinéaste aura pris quelques rides, qui lui iront bien.
Je suis heureux que Marie aille habiter à son tour cette ville, après Florent. Le temps y passe en effet en labyrinthe. Il y est donc éternel.
Et le visage de Sylvia nous dit adieu, juste là où tourne le tram pour rejoindre la prison de Vauban, devenue école des cadres de la nation, et le Musée d’art moderne, là où j’avais l’habitude d’acheter des fleurs séchées à l’automne, là où je m’enfonçais dans la rue où la boulangère avait une si jolie petite fille qui demandait le nom des pains aux clients et leur conseillait un Kougloff.
