Mardi 15 avril 2008, Luxembourg, c’est Daniel Boulanger

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Il y a un peu plus d’un an, Gaële de la Brosse a souhaité une interview pour la revue « Chemins d’Etoiles » qu’elle anime depuis quelques années comme un ensemble de parutions thématiques sur le voyage, après avoir repris une formule qu’elle avait conçue je crois avec Olivier Cèbe

Il s’agissait d’un numéro sur les pèlerinages. Il venait à pic. Je ne connaissais Gaële que de nom. J’ai apprécié la personne et sa conviction et je suis heureux qu’elle se soit vu confier la préparation du salon du livre du Puy-en-Velay. Elle a elle-même écrit sa thèse sur les pèlerinages bretons, le Tro Breiz

Je l’ai rencontrée non loin de l’Ecole Normale Supérieure où j’ai travaillé quelques années. Les premières en fait de ma carrière universitaire, avant de rejoindre Jussieu. Je n’ai pas pu laisser de côté le fait que l’un des premiers amphithéâtres où j’ai suivi des cours de biologie était situé rue Guy de la Brosse, ce médecin de Louis XIII, mort au milieu du XVIIe siècle et initiateur du jardin des simples du Roi. 

C’est grâce à elle que j’ai pu revoir au Puy-en-Velay Marie Hélène Fraïssé, venue animer une table ronde, comme elle le fait au salon de Saint-Malo et comme elle sait si bien le faire sur France-Culture…Bref ! 

Si j’ai repensé à Gaële aujourd’hui, c’est qu’après avoir raconté ma vie, dont elle n’a fort heureusement gardé que la substance récente à l’Institut européen des itinéraires culturels, elle m’a posé une question de lectrice : quelque chose comme « Quel est l’auteur que vous lisez avec le plus de plaisir ? ». L’île déserte en somme. Et j’ai affirmé sans réfléchir autrement : Daniel Boulanger. Elle n’a pas relevé. Elle n’en n’a pas non plus fait part dans l’interview écrite. 

Je suis en effet certain, où que je sois, où j’ai habité, de trouver dans la bibliothèque un livre de l’écrivain français, scénariste et acteur à ses heures, avec une gueule de l’emploi et un maxi Havane sans complexe. De surcroît saboteur contre l’armée allemande, comme Marcel Jullian. 

Pour moi, avec quelques autres auteurs que je découvre avec parcimonie, la lecture de Boulanger est de l’ordre du bonheur permanent ; hors du temps, dans un cérémonial qui lui vaut une sorte d’éternité. 

Le livre que je saisis ce soir ; le premier « Un été à la diable », comme on dit d’un poulet un peu pimenté, un peu vinaigré.

C’est l’heure des festivals, le cœur a ses raisons :

« Madame Oriane ronronnait, aucune lumière sous les portes. J’ouvris la fenêtre de ma chambre. Une moustiquaire me séparait à peine des étoiles à portée de main. Je me réveillai sans triomphe. Selon l’habitude que m’a fait prendre ma mère, je dors toujours, en voyage, avec mon portefeuille sous l’oreiller. Je recomptai mon argent et les tickets d’entrée au festival pour les concerts et les danses. En me rappelant le quatuor de la veille je songeai à les vendre et à me tourner vers l’une des villes rivales où l’on donne une série d’opérettes que j’ai évitées par je ne sais quelle exigence. Mais quoi ? J’ai surtout besoin de me délasser, de me laisser aller à la diable, c’est-à-dire à la facilité, voire même à frôler la sottise, mais tendre, après une année de procès de toutes sortes, de dossiers que j’échenille, de plaidoyers que j’écris sous l’œil à cernes de Maître Oligo dont le cabinet parisien donne sur les rails de la gare Saint-Lazare.

Maître Oligo n’aime qu’à chasser le fauve en Afrique et m’a proposé de l’accompagner. 

–        Pour votre baptême du lion, Henri. Il y aura des présidents de toutes sortes et des fusils maçonniques dont j’aimerais que vous fassiez connaissance.

–        J’ai choisi d’aller à Sainte-Virtuose, Monsieur.

–        Mais c’est un trou, un piège à gâteux ! Qu’allez vous rencontrer là-bas ?

–        Personne, j’espère.

–        Rapportez-moi un tire-bouchon. C’est la spécialité.

–        …Je suis passé par Sainte-Virtuose, autrefois. Il y règne une vieille odeur byzantine. J’ai souvenir d’une tombe dans un parc. Des femmes tristes y suivaient leur ombre. Il ne se passe rien dans ces coins perdus, juste les moires (il fit un geste tournant) de l’oubli. Allez donc rêver pour moi. Je n’en n’ai plus le temps. » 

C’est de la Gare Saint-Lazare, certainement, que Maupassant gagnait la côte normande.

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