
En interlude aux souvenirs d’avril, puis de mai, puis de début juin, que je ne peux arracher à leur gangue de notes pour en faire de vrais récits, faute de temps laissé par un site internet qu’il nous faut ouvrir dans quelques jours, je dois avouer avoir volé un nouveau livre.
Celui-ci, je l’ai pris dans la bibliothèque de ma fille quand je suis passé à Paris pour la conférence de presse sur la réunion du Puy-en-Velay.
Bien entendu le titre n’était pas innocent : « Train de nuit pour Lisbonne. » Et l’achat de ma fille, qui ne devait pas être plus innocent lui-même, s’est redoublé d’une rencontre encore moins innocente de ma part avec ce livre de Pascal Mercier publié en 2004 avec une aide de Pro Helvetia.
L’auteur est en effet suisse, un Suisse de Berne, philosophe, dont le héros, spécialiste des langues anciennes, coupe les ponts avec son enseignement après avoir rencontré – et sauvé ? – une jeune portugaise, qui lui glisse un mot à l’oreille un seul mot, doux comme de la soie : « Português ».
Départ vers la chaleur. Quête. Série de manuscrits perdus et retrouvés, de lettres surgies du passé, enfouies et déterrées. Roman épistolaire où la feuille lue est parfois mortelle, même si elle ne fait pas mourir immédiatement celui qui la touche, comme dans « Le Roman de la Rose ».
Un Suisse amoureux de Lisbonne, un écrivain de plus à la recherche d’identités superposées dans une ville, Lisbonne, qui offre des dédoublements et des effets de miroir à ceux qui ont traversé le fascisme, en ont hérité ou cherchent à comprendre la vie quotidienne au temps de la police politique.
Un Suisse qui veut prendre sur lui le poids de l’histoire et en absorber la mémoire, comme pour alléger ceux à qui elle pèse.
En interlude donc, ce livre merveilleux pour ceux qui veulent plonger…ou plutôt faire un grand saut dans l’inconnu.
« La désillusion passe pour un mal. Préjugé irréfléchi. Par quel moyen, sinon grâce à la désillusion, découvririons-nous ce que nous avons attendu et espéré ? Et en quoi, sinon dans cette découverte, résiderait la connaissance de soi ?…
On pourrait avoir l’espoir de devenir plus réel en diminuant ses attentes, en se rétrécissant jusqu’à n’être plus qu’un dur noyau fiable et ainsi immunisé contre la douleur de la déception. Mais que serait une vie qui s’interdirait toute attente de grande portée, immodeste, une vie où il n’y aurait plus que des expériences banales comme l’arrivée de l’autobus ? »