Mercredi 9 mai 2007. Le libéralisme ne se cache pas…le Fouquet’s ou bien le jardin planétaire

Il aura fallu quelques heures. Seulement quelques heures.  

Le candidat devenu Président a inscrit ses premiers symboles au fronton de la République dont il vient de prendre la charge.  

Son avenue est celle des Champs-Elysées. Son établissement de référence est le Fouquet’s, la brasserie parisienne d’une certaine élite et le Fouquet’s Barrière, disposant pour ses chambres et suites d’un majordome privé 24H/24H, l’endroit où il se repose en famille, après l’annonce des résultats.  

Son horizon préféré pour la suite de ce court repos est celui d’un yacht flottant en Méditerranée, au large de Malte. 

Son obligé et ami, est un grand industriel certainement reconnaissant, et qui a cru bon de préciser que la tradition familiale voulait qu’on accueille les politiques qui nécessitaient un abri temporaire…à preuve Léon Blum et Mohamed V.  

Le libéralisme ne se cache pas. C’est le seul reproche qu’on ne puisse pas lui adresser. Il est cynique et il s’assume.

Ce ne sont en effet que des habitudes de riches et des signes de distinction.

Ni plus, ni moins !  

Elles ne sont pas mauvaises, ni inhabituelles dans un monde de riches qui fait l’objet de l’appréciation et du regard constant de la presse spécialisée dans ce secteur social, au point que ce monde existe et se légitime aux yeux d’une majorité du public, comme celui des feuilletons télévisés. Et on peut même lire ici et là, que le Prince est entré dans ce monde relativement restreint, de plein droit, puisqu’il a épousé la France. Il devient de fait, par son audace et sa détermination, pour ne pas dire son succès d’audience, l’égal de Bernard Arnault et de Johnny Hallyday.  

Dans d’autres temps, des écrivains auraient dressé l’histoire de l’entrée de Bonaparte dans la Haute Société issue de la confiscation de la Révolution. Mais aujourd’hui, ce sont les magazines hebdomadaires qui écrivent l’histoire romanesque, dans le temps même où elle se vit.  

Le nouveau Président devra donc attendre encore un peu pour devenir un personnage de roman. 

Ce sont aussi des mœurs parisiennes très habituelles pour quelqu’un qui n’est pas « monté » à la conquête de Paris depuis l’Auvergne, la Corrèze, ou Angoulême. Le succès ne se célèbre donc pas cette fois dans un café de capitale provinciale, une villa landaise, un château du Centre de la France, mais au cœur du cœur de la France, au plus proche du luxe et de l’apparence.  

« C’est un autre monde »…disant cela simplement pour le qualifier par rapport au grand nombre que représente « le reste du monde », celui des millions de Français qui lui ont apporté leurs voix. 

Quant à la phrase de Monsieur Vincent Bolloré sur le « refuge » des politiques méprisés, le propriétaire de l’avion et du yacht « emprunté » par le presque Président, elle pourrait simplement prêter à sourire s’il n’était lui-même classé sur Wikipédia 451e homme le plus riche du monde.

La même encyclopédie « libre » évoquant quelques lignes plus loin son entrée récente dans les médias, le Groupe Havas tout particulièrement et le fait que son épouse est la belle-sœur de Gérard Longuet, un proche du nouveau président.

Enfin, comme il s’agit d’une encyclopédie qui bénéficie de la rapidité des rédacteurs, eux aussi libres de dire et de se tromper parfois – mais d’autres rectifient – on y précise que le yacht en question est loué, parfois, entre 170.000 et 190.000 euros la semaine.   

Le futur Président se repose en famille. Il le dit, le redit et parle de ce qu’il mérite après tant d’efforts et de la transparence dont il fait preuve et surtout de son bon droit. Ses amis politiques prennent sa défense en tapant à gauche sur les extravagances d’un ancien Président qui aimait l’Egypte et Venise et faisait entretenir sa maîtresse, la mère de sa dernière fille, par l’argent public. 

Je l’ai dit, chaque personnalité investie d’un pouvoir pose des symboles avec ses actes… et les symboles qu’il a choisis deviennent ceux de la France pour les autres puissances mondiales. 

L’expression m’est venue spontanément dimanche soir : « Je me tiendrai donc, aussi longtemps que possible loin de son pouvoir ». J’ajouterai en tout cas, loin du pouvoir, tel qu’il l’incarne. 

Table ronde à Terrasson-Lavilledieu. Jardins de l’Imaginaire

Mais il n’aura pas fallu plus d’une journée pour que quelqu’un que j’admire, Gilles Clément, soit plus radical, sur son site.

Il est vrai que cet homme-là, dont le jardin planétaire est le premier terrain de la conscience, sait que nous sommes entrés dans la sixième grande extinction des espèces vivantes. Il connaît les urgences que certains des participants à la commission du partage citoyen ont redites.  

Je me fais un devoir de relayer son message. C’est ce que l’on doit à ses amis, surtout quand on s’aperçoit qu’ils ont encore franchi une étape supplémentaire dans l’estime qu’on leur porte

« Par son vote du 6 mai 2007 la France a choisi le projet qui nous engage tous dans la mécanique de destruction de la planète :

-où la santé des entreprises prime sur la santé des individus.
-où la population assujettie à la Bourse règle son action sur les fluctuations du marché.
-où le CO2, coté en Bourse par le biais des droits à polluer, devient une valeur sûre.
-où la pollution en général est une monnaie d’échange.
-où le développement durable sert de caution aux pratiques non écologiques.

-où l’on instaure le biocarburant issu de cultures dévastatrices, exigeantes en intrants polluants, constituées de plantes manipulées génétiquement, excluant la diversité de territoires immenses et monotones, en laissant entendre qu’il s’agit d’actions respectueuses de l’environnement.
-où la question du transport et de ses pollutions n’est pas remise en cause.
-où l’option déterministe du dirigeant le plus en vue de ce nouveau gouvernement conduit à une discrimination systématique ne laissant émerger que les disciples performants de l’Ordre Marchand.
-où le racisme de société devient une règle discriminatoire ordinaire. -où la peur instituée renforce la puissance des gardiens de l’Ordre.
-où la France perd son existence, devient une étoile supplémentaire sur le drapeau étatsunien tandis que disparaît une étoile sur le drapeau de l’Europe.

Table-ronde à Terrasson-Lavilledieu

Le Jardin Planétaire, pays sans frontière et sans drapeau, sans nécessité de guerre, armé de la seule volonté des passagers de la Terre, se présente comme un projet général intéressant le jardin dans sa plus modeste comme dans sa plus vaste dimension, couvrant l’espace urbain comme l’espace rural, interpellant le politique dans sa fonction la plus modeste ou la plus étendue. Il sollicite l’ensemble des acteurs de la société sur le rôle de chacun pour :


-exploiter la diversité sans la détruire.
-donner à tous les êtres une chance d’avenir selon un processus non discriminatoire de l’évolution, non déterministe et non arbitrairement sélectif.
-engager une politique de non accumulation de biens surnuméraires et polluants.
-développer les énergies douces et autonomes.
-élaborer une mondialisation nouvelle non inféodée à l’Ordre Marchand.
-créer un réseau de projets locaux éclairés par une vision élargie et tolérante où les constituants naturels et culturels issus du brassage planétaire dictent les règles d’une économie locale.
-instruire une exploitation biologique du sol, favoriser les complexes écologiques industriels de recyclage de l’énergie.
-développer des pratiques visant à maintenir ou renforcer la qualité biologique des substrats : eau, air, sols.
-en toutes circonstances favoriser l’invention de la vie, l’expression de sa diversité.
-envisager le développement imprédictible du Jardin comme une possible source de renouvellement et chaque jour s’en étonner. Considérant le Jardin Planétaire comme l’essentiel de mes préoccupations, considérant que les actions nécessaires à son émergence ne trouvent aucune chance d’expression dans le projet de société choisi par la France le 6 mai 2007, refusant de porter ma caution aux agissements du gouvernement en place, je décide d’orienter mes interventions, mes efforts et toute mon énergie à la mise à bien du projet Jardin Planétaire, en écartant de mon champ d’action ce pays qui est le mien, pour un temps que je souhaite court.
En conséquence j’annule la totalité des engagements pris auprès des services publics et privés sur le territoire français à l’exception des services non officiels où, de façon avérée, s’établit la résistance.
 » .Gilles Clément

La Vallée le 7 mai 2007

Maison de Gilles Clément

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