Dimanche 31 décembre 2006, Strasbourg dans le crépitement des pétards

Le premier texte de ce blog – bloc-notes – si je suis la règle du français (au fait n’est-ce pas Mauriac qui a alors finalement inventé le concept dans le Figaro il y a bien longtemps ?) est venu se mettre en place il y a une année, au retour d’un voyage ensoleillé et partiellement interrompu.

Les Mémises. Cliché MTP

Ce retour de Rome ponctué d’un arrêt incongru, a été moteur, quelques mois après, d’un récit éclaté.  Il me reste bien des étapes de 2006 que je n’ai pas eu encore le temps d’avouer. Entre retard et urgence, je prends cependant mon temps. 

Il y a un an je m’étais réfugié à Strasbourg pour y retrouver en solitaire un sentiment esthétique de fin d‘année enneigée. Le chromo était parfait !  Ma grande chance cette année est d’avoir partagé avec mes enfants – tous à la fois dans leur vie et avec leurs compagnons d’aujourd’hui – le travail de nettoyage nécessaire d’un jardin que j’avais abandonné à son sort autour de la maison que j’aime, à Evian.  

Un jardin, une cheminée, des cadeaux, le soleil, au-dessus de nuages que Ferdinand Hodler aurait pu peindre.  La plénitude d’un lac invisible d’où émerge un signal sur le Jura, à gauche et un pic de l’Oberland Bernois, à droite.  Un infini. Là où se racontent les belles histoires de paradis, quand les éternels s’ennuient de leur éternité. 

J’ai été heureux. Parfois quelques heures suffisent ! Je ne remercierai jamais assez mes enfants de ce cadeau.

Les Mémises et la Dent d’Oche. Cliché MTP

Mais cette dernière nuit de l’année, j’ai choisi de la célébrer, de nouveau seul, dans le crépitement d’une ville qui a toujours voulu que les feux de l’enfer annoncent les changements des mondes. 

J’ai d’abord pensé que j’allais pouvoir y réfléchir à une grande avancée : celle de l’entrée de deux pays qui me sont chers dans ce cercle symbolique de liberté où ils tenaient à trouver une prison dorée. 

J’ai pensé à tous mes amis qui avaient célébré, une heure avant les Strasbourgeois, une marque essentielle dans le déroulé de leur propre histoire. Certains m’ont téléphoné, en direct de la fête. 

Pourquoi donc ne me suis-je pas autant réjoui que j’aurais voulu ? Pourquoi cet air de déjà vu ? 

Douze années après mes premiers voyages là-bas ! Douze années d’espoirs croisés. Trois années bientôt après la venue de dix autres pays.

Est-ce pour eux une vraie conquête ? 

Les Mémises. Cliché MTP.

Décidément, ce soir de joie, une seule image est venue recouvrir les explosions ; celle de la pendaison de l’ancien maître de Bagdad.  

Ce qui advient ce soir à Bucarest, comme un aboutissement, avait de fait commencé en décembre 1989 par une image un peu comparable à celle qui nous est parvenue il y a quelques heures.  

Tremblement de l’histoire dans les images d’un film d’amateur. Comme si, en moins de vingt ans, le metteur en scène des exécutions capitales n’avait fait aucun progrès ! 

Comparable par son indiscrétion. D’un procès macabre et vaguement ridicule, à un autre, de deux corps escamotés, roulés dans la poussière, à un autre recouvert d’un linge blanc. D’une attitude une dernière fois dominatrice, à un égarement passager, puis à l’incrédulité du sort. 

Dans l’invective malsaine de ceux dont on ne reconnaît, sinon le droit de prononcer un jugement, aucune légitimité à décréter la mort, ni à venger ceux qui ont véritablement doit à la vengeance, la mort est confisquée et la justice injuste. 

Confiscation magistrale, en effet. 

Que le devoir de mémoire reste difficile quand le pouvoir exercé a été absolu ! 

Allez, l’aube doit naître. Avec ou sans nous !

 

 

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