Jeudi 22 juin 2006 : vacances romaines

En attendant la Fête Nationale du Grand-Duché de Luxembourg, je prends le temps d’un livre. Et je me remplis d’un grand bol de nostalgie romaine.  

Cliché MTP

J’ai eu l’occasion de m’y trouver à quelques encablures de Noël, puis à l’aube de mars pour y célébrer le mariage de plusieurs itinéraires culturels. J’ai eu un peu – trop peu – de temps pour y réapprendre les parcours secrets autour du Parlement, vers le Forum, mais aussi de mieux connaître le Trastevere. Quartier le plus romain de Rome, disent les guides. Je ne sais pas, n’ayant pas eu le temps d’en éprouver la vie nocturne, mais en tout cas le plus proche du Ministère de la Culture. 

Je suis venu apprendre à chaque fois un peu mieux en quoi cette ville avait attiré tant de visiteurs. Aussi bien un archevêque de Canterbury nommé Sigéric, dont le nom aurait été oublié, sans le récit qu’il fait de son voyage de 990, que Charlemagne en route pour un couronnement sacré l’année 800.  Il y a presque deux siècles d’écart entre les deux voyages, mais chacun de ces parcours offre comme une coupe stratigraphique d’un état de l’Europe à un moment donné. On peut espérer en effet qu’ils deviendront deux itinéraires culturels complémentaires. 

S’y ajoute pour moi l’extraordinaire épopée joyeuse et tragique du Caravage que Dominique Fernandez décrit comme un personnage de film dans « La course à l’abîme ». Un voyou qui fait écho quatre cents ans plus tôt au sort de Pasolini. Fernandez ne peut pas ne pas y avoir pensé, quand ce peintre meurt assassiné, du retour de ses propres crimes, ou de sa vie dissolue, ou de son homosexualité, ou de son trop plein de talent ou plus sûrement de tout cela à la fois, sur une plage au nord de Rome. 

On est en 1600 cette fois. Il lui reste dix années à vivre. Les pèlerins affluent, les querelles vont bon train dans l’interprétation de l’essence du Baroque, ou plutôt de la stricte application des effets du Concile de Trente en matière de symboles picturaux. Les Florentins, ou plutôt les Médicis ont gagné la France. Les Romains s’en tiennent à la mise en œuvre d’un immense mouvement artistique qui rendra leurs fastes aux célébrations et aux sacrements. Le Caravage vient en quelque sorte troubler ce jeu, parce qu’il est lui-même trouble et dissident, même si’il reste à nos yeux l’un des plus grands artistes du Baroque. 

« Le 31 décembre, à minuit, le pape ouvrit les portes de la basilique Saint-Pierre. Annoncée par les cloches des églises qui sonnèrent à la volée en même temps, confirmée par douze salves de canon tirées de la terrasse du château Saint-Ange, l’année sainte avait commencé. » 

Comment fait donc cette ville pour continuer à nous donner l’illusion que le Caravage peut encore surgir au coin de la rue ? 

Mais ma nostalgie n’est pas venue de ce roman splendide, vécue en mars où je l’ai lu avec avidité, comme une vraie course à l’abîme en effet. Elle a pris le détour d’une courte nouvelle d’Erri De Luca « La chemise au mur », qui fait partie du recueil « Le contraire de un ».

Regard à Rome. Cliché MTP

En quelque dix pages, c’est l’ouverture à la vie, dans une chambre de Rome, à la fin des années soixante, que ce napolitain décrit par petits paragraphes nerveux. La ville, la révolution, plus violente qu’à Paris, l’amour, juste comme une rencontre, entre deux âges. Une suite de phrases, jolies entre toutes :

« Les baisers ne sont pas une avance sur d’autres tendresses, ils en sont le point le plus élevé. De leur sommité, on peut descendre dans les bras, dans les poussées des hanches, mais c’est un effet de traction. Seuls les baisers sont bons comme les joues des poissons. Nous deux, nous avions l’appât de nos lèvres, nous happions ensemble. » 

Comme si l’Italien devenait du français avec justesse, le temps d’une lecture.

Un partage d’émotions.

 

 

Un commentaire sur “Jeudi 22 juin 2006 : vacances romaines

Laisser un commentaire