Le Pont / The Bridge / Bron / Broen

J’ai eu comme l’impression d’une sorte de ruban continu venant se nouer chaque lundi soir depuis des semaines. Le Nord de l’Europe venant faire irruption dans mon intimité pour me narguer et me remettre dans la réalité d’une sorte de constat accablant : les séries policières télévisées venues du froid sont d’une toute autre qualité que les productions françaises de la même catégorie.

Voire plus encore : les séries danoises, suédoises, finlandaises ou norvégiennes qu’elles touchent à la réalité politique, démocratique ou non, à l’organisation sociale, aux rapports humains en général, resteront comme des témoignages historiques de notre époque aussi forts et pertinents qu’ont pu l’être les romans de Dickens, de Victor Hugo, de Balzac, de Flaubert ou les nouvelles de Maupassant, pour les siècles passés.

Et je n’ai rien à opposer à cela ! Chaque nouvelle série ne faisant qu’aggraver le constat !

Le Pont : Quatre saisons – 2011 à 2018 en 38 épisodes – établies sur fond de vengeances politiques ou personnelles, touchant autant à la défense violente et radicale de l’environnement, qu’à la dénonciation des spéculations, des spoliations, des trafics, des risques sanitaires et des migrations interdites.

Rien que d’actuel ! Et une résonnance en France qui a dû attendre les années récentes sur Canal + ou Arte et depuis février dernier sur Chérie 25. Tous les pays d’Europe ayant été concernés plus ou moins rapidement par sa diffusion.

Synopsis résumés :

Saison 1 : Le corps d’une femme est retrouvé coupé en deux à la frontière entre la Suède et le Danemark sur le Pont de l’Oresund, mais le buste est celui d’une femme politique suédoise tandis que les jambes sont celles d’une prostituée danoise. L’enquête nécessite donc la collaboration entre les polices danoise, représentée par Martin Rohde, et suédoise, représentée par Saga Norén.

Saison 2 : Après qu’un cargo volé s’est échoué contre une pile du pont de l’Øresund, on le découvre vide de tout équipage sauf cinq jeunes enchaînés dans la cale. Ces jeunes, trois Suédois et deux Danoises, ont été enlevés et il s’avère qu’ils ont été volontairement infectés par une forme de peste pulmonaire. Les inspecteurs Rohde et Norén doivent de nouveau travailler ensemble mais leurs situations ont bien changé durant les treize derniers mois.

Certains aspects du synopsis, de quelques épisodes notamment qui tournent autour d’un aéroport, qui impliquent un avion et ses passagers, le recours à des virus ayant pour but d’infester le plus grand nombre de gens possible font penser à « La Jetée » de Chris Marker ou à l’Armée des douze singes de Terry Gilliam. Comme un préquel en quelque sorte, d’autant qu’un des auteurs des attentats échappe in fine aux policiers qui n’en soupçonnent pas l’existence.

Saison 3 : (J’évite de détailler). Une Danoise est retrouvée morte dans une mise en scène très macabre dans un immeuble en construction à Malmö. L’inspectrice Norén va de nouveau enquêter en collaboration avec la police danoise. Sa nouvelle collègue perd une jambe lorsque le domicile d’un ancien militaire explose.

Saison 4 : Une femme est retrouvée lapidée sous le pont. Elle avait refusé le visa de réfugié à un jeune Iranien homosexuel. En attente de son procès pour le meurtre de sa mère, Saga vit difficilement la routine de la prison. Henrik essaie de la faire sortir de sa léthargie en lui parlant du dossier.

Rien à ajouter, juste à découvrir ne serait-ce que pour la qualité des interprètes. Sofia Hellin en tête.

Après avoir travaillé en 1996-1999 avec Michel Krieger sur le projet du « Pont de l’Europe » entre Strasbourg et Kehl et organisé avec le Conseil de l’Europe le colloque « Ecrire les frontières » qui a réuni quelques-uns des auteurs, plasticiens, écrivains, dessinateurs, philosophes les plus engagés dans la lecture de nos mondes devenus transfrontaliers après de longues, difficiles et parfois douloureuses réconciliations, je suis obligé de constater que ce n’est sans doute plus du côté des Institutions européennes trop formelles qu’il faut se tourner aujourd’hui, mais bien, de nouveau, du côté des cinéastes de télévision dont le média populaire a pris conscience d’être aussi politique que les romans sur la misère sociale et les luttes révolutionnaires des décennies modernes industrielles.

La post-modernité de la télévision serait elle devenue une chance pour les prises de conscience les plus urgentes ?

Laisser un commentaire