Vendredi 15 août 2008, Bucarest : fête mariale

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Comme il fallait s’y attendre, la une de « Romania Libera » présente une photographie du nouveau Patriarche de Roumanie Daniel, ancien métropolite de Moldavie et de Bucovine, qui célèbre l’Assomption dans le cadre de ses fonctions.  

J’aime beaucoup à revoir, cette fois sous les ors de sa charge, ce religieux que j’avais rencontré au début des années 80 lors de mes premières missions en Roumanie, sous l’égide d’un Ministère de la Culture qui était – et est encore aujourd’hui – le Ministère des Cultes.

J’ai discuté avec lui, en marge du Synode et dans le but de comprendre qu’elle serait l’implication du responsable du patrimoine religieux, qu’il était à ce moment-là, dans un projet que notre Institut a mené avec le Conseil de l’Europe, un « Collège de la citoyenneté européenne sur les cultures religieuses en Europe » dont la session finale devait se dérouler en Roumanie.  

A cette époque, il attendait du Conseil de l’Europe une aide pour la publication d’un livre qu’il projetait, ce qui était plus que ce que je pouvais lui apporter, mais certainement moins que ce qu’il pouvait imaginer et qui s’est déroulé trois ans plus tard à Durau, un monastère qu’il protégeait de son autorité, au cours d’une réunion pluriconfessionnelle. Une réunion qui avait eu la chance de se situer dans un période politique particulièrement riche où, sous l’égide du Président Emil Constantinescu, la Culture et les Cultes sont entrés en résonance dans un cadre d’ouverture européenne assumée et de premier bilan, encore timide, des lendemains des « Evénements » et où le patrimoine a reçu, un temps, une plus grande considération. 

Je l’ai donc revu durant l’été 1998 alors que se terminait en effet cette série de rencontres entre des jeunes Français, Portugais, Grecs, Norvégiens et Roumains. Il a accueilli les principaux acteurs des étapes précédentes qui s’étaient déroulées à l’Abbaye de Sylvanès en France, au couvent d’Orada au Portugal, dans la cathédrale d’Oslo et au sein de l’Académie Orthodoxe de Crète, avant de se clore par un parcours des monastères d’Olténie et de Bucovine.  

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Il a ainsi présidé au côté du Ministre de la Culture Ion Caramitru, cette séance où des responsables orthodoxes grecs et roumains, ont confronté leurs expériences de développement territorial et de rencontres œcuméniques (je place volontairement les deux propositions dans cet ordre), avec celle du pasteur luthérien responsable de la culture et en particulier de la musique chorale de la cathédrale d’Oslo, tandis que s’y ajoutaient une bonne dose d’humour vaticane de la part du Secrétaire Pontifical à la Culture, le Père Ardura et un apport de subtilité culturelle du côté de Michel Wolkowitski, le Directeur culturel de Sylvanès. 

C’est pour moi un grand souvenir, dans le cadre assez somptueux de l’Est de Carpathes où les touristes amateurs d’escalades et de trekking étaient nombreux en ce mois de juillet. Je suis persuadé que c’était également le cas pour la quarantaine de jeunes universitaires présents, même s’il n’y a eu aucune suite, un programme nouveau chassant malheureusement l’autre dans les Institutions européennes, sans même le temps du bilan. 

Je lis à cette occasion une longue interview du nouveau Patriarche dont la précision n’a pas de mal à trancher avec la longue période où le Saint-Synode a été dirigé par le Patriarche Teoctist, nommé en 1986 dans un accord plutôt compromettant avec le Régime du Conducator, renouvelé pourtant dans ses fonctions en 1990, malgré sa volonté de démissionner et de se retirer, et décédé en juillet l’an passé.

Je ne l’ai aperçu qu’une seule fois, dans la voiture blindée – on dit papamobile, je crois ? – où il accompagnait le Pape Jean-Paul II en mai 1999, de l’aéroport au centre-ville de Bucarest. Dans ce moment de grand dialogue entre l’Eglise Orthodoxe Roumaine et l’Eglise Catholique Romaine, on peut comprendre que l’accueil de Monseigneur Daniel était un geste autant personnellement ressenti que profondément politique. Car je crois que je me trouve dans le mésusage du terme œcuménique, au moins au sens où je l’entendais à l’époque.  

Je lis une interview récente du nouveau Patriarche en saisissant bien je crois les nuances qu’il attache entre sûreté de soi et nécessité du monde :

« Je me définis moi-même comme un Orthodoxe réaliste, et non oecuméniste. En fait, dans un monde pluraliste du point de vue confessionnel, religieux, nous pouvons promouvoir l’Orthodoxie, non par l’isolement, mais par le dialogue, par la coopération. Nous avons des millions de Roumains orthodoxes à l’extérieur des frontières du Pays, dans des pays à majorité catholique ou protestante. Par conséquent, le contact et le dialogue sont inévitables. Mais en qui concerne notre engagement dans le Mouvement œcuménique, l’Eglise orthodoxe roumaine n’est pas toute seule. Dans ce domaine il y a eu de nombreuses décisions panorthodoxes qui recommandent le dialogue et la coopération. Ainsi, même si l’Eglise russe et l’Eglise grecque, paraissent quelquefois réticentes, elles sont, elles, également engagées de façon officielle dans les dialogues œcuméniques internationaux, avec le Patriarcat œcuménique. » 

Je me sens cependant très reconnaissant à tous mes amis roumains qui m’ont amené là aussi à ouvrir de petites portes sur la spiritualité – ou pour mieux dire les spiritualités – de ce pays. Je sais cependant que la fonction esthétique restera majeure pour moi dont la spiritualité vacillante ne passe que par le sensible. 

Anca Vassiliu a écrit dans un court article que nous lui avions demandé :

« …le monachisme roumain s’est manifesté sous une forme particulièrement remarquable dans l’art, dans l’iconographie et dans tous les aspects de la construction et de la décoration des églises. En effet l’art de tradition byzantine dans les églises et les monastères des pays roumains est un art profondément monastique jusqu’à l’aube de la modernité, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. »  

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Il n’empêche qu’au plus profond de mon cœur, si les visite des monastères et des églises peintes restent des souvenirs intenses et si mes trois séjours à Hurezu, ont ouvert des moments que je ne peux mieux qualifier que de « croyance mystérieuse », ce sont les icônes sur verre de Sibiel réunies par Zosim Oancea, que j’ai revues il y a deux ans, qui sont accrochées à jamais. On est là dans un ordre différent où le récit reste à mi-chemin de l’authenticité de l’imaginé immédiat et de l’illustration des symboles a minima.

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D’or, de bleu, de rouge, de vert, les apôtres et la Vierge côtoient Saint Georges, tandis que triomphe de mystère de l’Eucharistie.

Mais dans cette semi transparence passe une double lumière : celle que le peintre a reçue, lui qui a contemplé l’envers du tableau au cours de son travail et celle que nous recevons aujourd’hui en nous demandant si la force du dialogue intime et naïf qu’il entamait avec les êtres sacrés qu’il représentait n’est pas contagieuse.

Icônes sur verre du musée de Sibiel, photographies de l’auteur.

Tombe et portrait de Zosim Oancea, cimetière de Sibiel, photographies Claudia Constantinescu. 

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