Vendredi 25 janvier 2007 : Luxembourg – Sibiu : Secolul 21

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Le temps tourne pour moi dans le même sens. Les dernières célébrations de 2007 arrivent parfois à propos. Alors que le Grand-Duché, la Grande Région et le Grand Sibiu cherchent à capitaliser, c’est-à-dire à prolonger les fastes d’une année par des actions durables, les responsables d’une revue roumaine viennent aujourd’hui présenter deux livraisons : Secolul 21 « Luxembourg o capitală īn Europa » et « Sibiu o capitală culturală ». 

Chaque volume reprend un ensemble de textes venus de part et d’autre, certains restant dans leur langue d’origine, d’autres traduits vers le roumain, certains repris des colloques organisés par l’Institut Pierre Werner, mélangeant – c’est la règle du jeu – l’institutionnel et le sacré, le poétique et le politique, la langue de bois et la langue à gratter. 

La règle du jeu veut aussi que je ne peux être critique, surtout dans la mesure où je ne vais pas m’aventurer à parler de ce que je ne sais pas lire ou que je ne peux lire avec suffisamment d’aisance.     

Je tenais simplement à souligner l’effort de tous et en particulier celui de Alina Ledeanu, Présidente de la Fondation culturelle qui édite cette revue, et de signaler le rôle essentiel de l’Institut Pierre Werner, notre voisin à Neumünster. 

Il est vrai que ce sont les poètes qui trouvent les métaphores là où elles poussent, sous les cailloux pointus.  Jean Portante dont j’ai déjà cité la métaphore de la baleine, réitère ici le propos en répondant à Corina Ciocărle et ajoute dans un texte – interview intitulé « Vauban est resté, Molière est parti » : « Quand, sous Louis XIV ou Napoléon Ier, le pays était un département français, ses auteurs s’appelaient Molière, Racine, Corneille, Voltaire…Un peu plus tôt, au sein des Flandres espagnoles, il y avait Quevedo, Gongora, Cervantes…Le problème, c’est que les « Luxembourgeois » d’alors ne s’en rendaient pas compte. La forteresse de Vauban est restée dans le patrimoine culturel luxembourgeois, Molière en est parti. Puis, quand dans la foulée du Congrès de Vienne le Luxembourg est, petit à petit, devenu indépendant, il a, en fait, rapetissé : géographiquement, mais aussi culturellement… » 

Si l’idée est juste et exprimée avec talent, surtout de la part de celui qui représente au plus haut point cette contradiction en tant qu’écrivain nobelisable de la littérature luxembourgeoise, d’origine italienne, s’exprimant dans un français magnifique, elle n’a pas de pendant en ce qui concerne la patrie de Molière, où Vauban est toujours à la recherche de la légitimité d’une reconnaissance de l’UNESCO, ou pour la patrie de Caragiale, qui dialogue en permanence avec Molière.   

Est-ce que le fameux paradoxe roumain qu’évoque Sorin Alexandrescu, esprit victimaire de l’oppression pour des élites politiques roumaines qui savent ce que peut signifier le patrimoine de la souffrance, peut rejoindre un paradoxe luxembourgeois, dont on ne saurait comparer cependant la gravité qu’en terme d’espace linguistique ? La question est certainement trop complexe. Je dois même m’excuser de l’effleurer ainsi. 

De fait, je dois à la vérité de le dire, que la leçon de français nous vient souvent de la Roumanie et du Luxembourg. 

Regardant de nouveau ce texte, plusieurs mois après l’avoir commencé, je peux y ajouter une anecdote qui l’éclaire.  Fin janvier, quelques jours après cette présentation, mon Premier Ministre luxembourgeois a reçu mon Premier Ministre français. Ils ont échangé des amabilités sur les dossiers industriels transfrontaliers, sur la future présidence de l’Europe et sur la francophonie… 

La sortie de Jean-Claude Juncker ne manque pas de sel, ou de piment, comme l’on veut : « Le Luxembourg est un grand fidèle de l’emploi de la langue française et la place du français doit rester grande » dit-il. Pour ajouter : « Lorsque nous étions dix dans l’UE, six s’exprimaient en français. Lorsque nous étions quinze, quatre s’exprimaient en français. Aujourd’hui que nous sommes à vingt-sept, le Luxembourg est le seul pays, à part la France, à s’exprimer en français »…Et encore : « Quand je parle dans leur langue à mes collègues autrichiens et allemands, les Français me regardent en se demandant : mais quel dialecte il parle lui ? » 

C’est certainement cela le paradoxe français !

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