
Photographie et cinéma.
Tout est là. Dans la simultanéité du passé et du présent.

Tandis que les photographies de Pandele nous aident à revenir sur les pages récentes du bloc-notes de la Roumanie quotidienne, l’Institut Français de Bucarest propose à son tour une série de films des créateurs d’aujourd’hui.
Celui que j’ai vu ce même samedi ne prend pourtant pas l’imaginaire à parti. Il montre des lieux, il fait parler des témoins et il pose des questions gênantes.
Il porte son regard sur l’extérieur et demande une minute de silence qui dure une heure.
Je me souviendrai toujours de la visite de la Ministre des Affaires luxembourgeoise Lydie Polfer à l’exposition que la ville de Vilnius avait organisée sur ses jardins historiques. Nous étions à un moment clef pour le Conseil de l’Europe ; un sommet de Ministres des Affaires Etrangères qui constituait le moment de passage de la présidence lituanienne à la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Europe. Mon ami Alfredas Jomantas du Ministère de la Culture a accueilli la Ministre en compagnie d’un adjoint de la ville. La première chose qu’il lui ait dite prenait la forme d’un remerciement : « Merci pour Radio Luxembourg que nous écoutions pendant la période soviétique.«
Cold Waves / Razboi pe Calea Undelor de Alexandru Solomon parle de l’atteinte aux libertés et du terrible pouvoir meurtrier des dictateurs, même au-delà des frontières qu’ils imposent à leurs peuples.
Les Roumains, au travers de ce film disent de leur côté merci à la Radio Europe Libre qui, à partir de 1950, à Munich, a lancé ses ondes vers les pays captifs, dans l’esprit de donner de l’espoir et de donner des nouvelles.
Je crois que je me souviens encore des explorations des petites ondes que je pratiquai la nuit tombée et de ce brouillage en va et vient, que même à l’Ouest les émissions supportaient. A vrai dire j’écoutais tout aussi fasciné, en français, les explications contradictoires qui venaient de Moscou ou de Prague. Les voix étaient lancées au-dessus des murs. Qu’est-ce que je pouvais bien comprendre à tout cela à quinze ans, sinon une espèce de contrebande, qui pour moi ne revêtait aucun danger.
D’une opération de guerre froide qui s’appuie sur les ondes et évolue selon les progrès de la technique, on passera progressivement à la défense d’un lien très ténu entre ceux qui sont placés du côté libre et ceux pour qui l’oppression est d’autant plus dure chaque jour, quand il s’agit des mots et des phrases susceptibles de porter du sens. Pour le reste, le froid et la faim; il y a des résistances que le corps semble accepter. Mais la résistance à l’absence de mots est bien plus terrible.
Et du brouillage on passe à l’attaque directe, à la menace quotidienne que savent entretenir les polices politiques, voire à l’attentat en utilisant en 1981 le terroriste Carlos pour poser une bombe dans les locaux de la section tchèque. A la vérité il s’agissait sans doute de détruire la section roumaine sur laquelle le leader maximo semblait avoir tout pouvoir de vie et de mort, encore plus sur ses compatriotes exilés qui osaient parler sans contrôle apparent.

Chacun prend alors la phrase, qu’elle soit parlée ou musicale pour une petite parcelle de bonheur qui peut s’éteindre, comme peut s’éteindre la vie de ceux qui envoient leur souffle. Dans une lettre postée vers Munich et retrouvée on peut ainsi lire : « Dragi tovarazi de la cenzura, lasati aceasta scrisoare sa treaca. Noi iubim muzica si muzica nu are nici o vina » (Chers camarades de la censure, laissez passer cette lettre. Nous aimons la musique et la musique n’y est pour rien.)
De la musique réelle au pays du non réel. De la musique qui existe encore, comme un oiseau dans un ciel qui paraissait mort. Un oiseau, si loin dans le ciel qu’aucun fusil ne peut atteindre, mais qu’un poison plus subtil est arrivé à étrangler, comme cet espion empoisonné au polonium il y a deux ans.
Plusieurs des dirigeants de cette petite centrale subversive ont été atteints de cancer. Plusieurs, étrangement. Même si le meurtre est resté symbolique pour la plupart, par la destruction d’un poste de radio, même si la menace était pourtant sans limites et pouvait conduire vers la folie des cellules, nous sommes bien ici devant des meurtiers, des meurtriers petits et grands.
Ce film parle en effet tout autant des tueurs qui sont parmi nous, des tueurs quotidiens, des tueurs invisibles pour lesquels tous les moyens sont bons.
Le sont-ils encore ? Meurt-on encore d’effroi ?
Regardez la bande annonce du film sur you tube…vous trouverez sur la même page quelques formidables documents historiques qui vous replongeront en décembre 1989.
Et vous regarderez de nouveau autour de vous. Sans doute avec un autre regard.
Bonjour,
Le film Cold Waves sera projeté le mardi 1er décembre 2009 au Mk2 Quai de Seine à Paris, dans le cadre des Mardis de Courrier international. Le projection sera suivie d’un débat avec le réalisateur.
Cold Waves
Mk2 Quai de seine
75019 Paris
mardi 1er décembre à 20h30
tarif : 6,50 euros sur présentation du dernier numéro de Courrier international, 7,70 tarif normal
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