Mardi 30 octobre 2007, en me rendant à Saint-Jean d’Angély

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Je continue d’explorer l’intensité d’une semaine, qui chevauche l’intensité d’un mois, même si je me dis qu’il y a là de quoi réfléchir sur la question du sang froid.  

J’ai été pendant quelques jours pris à la gorge par des événements que je n’avais pas forcément vu venir. J’ai été entouré d’amis qui comptaient sur moi pour arriver à obtenir ce qu’ils étaient venu chercher. Et j’étais en contact depuis des semaines avec des responsables en tous genres qui avaient les moyens de préparer une grande action mais qui y avaient travaillé dans le plus grand désordre.  

J’étais donc inquiet et pris dans des sentiments contradictoires.  

Les organisateurs galiciens se satisfaisaient visiblement d’avoir provoqué une grande rencontre, sans voir cependant toujours les implications politiques profondes de leurs actes. J’y reviendrai. 

Or ce qui me semble évident, à y réfléchir, à quelques jours de la fin de cette semaine somptueuse, c’est la gravité de l’heure. Et de surcroît, le fait que sans pouvoir organiser le détail des événements, j’avais tout de même été obligé d’en exiger le cadre, d’en dessiner le but, d’en remplir les vides et d’en orienter les conséquences.  

Pour un chevalier sans armure, c’est tout de même beaucoup. 

Au-delà de ces moments où je dois incarner la calme, et dans une certaine mesure, la loi, je crois que les symboles sont et restent forts.  

Parmi eux : changer temporairement le nom des rues de Compostelle en laissant les passants suivre ces chemins, jusqu’à les effacer.  Mais aussi ramener devant le lieu saint par excellence, le tombeau supposé de l’Apôtre, des dizaines d’images venues de toute l’Europe, des images profanes ou sacrées qui viennent dire : nous avons tracé le chemin, peut-être pas dans la direction trop étroite qui était fixée, mais dans la superposition des clefs de lecture. 

Mais encore : faire célébrer par des jeunes gens le passage du siècle et faire lire à des jeunes de Santiago, du Puy-en-Velay et à nos stagiaires en castillan, en français, en anglais et en galicien une nouvelle déclaration, appuyée sur l’ancienne… 

Tout ceci vient dire et doit dire une Europe sans frontières, parce que le chemin par essence traverse, perce, met en pièce ce que la barbarie des hommes trace pour prétendre les séparer et mieux leur apprendre à cultiver leurs différences.  Les chemins transcendent toutes ces volontés de coercition ou de contrainte. 

Si un tel message pluriel était là il y a vingt ans…à quelques encablures de la fin des dictatures et du ré-ancrage de la péninsule ibérique dans l’Europe de l’Ouest, il s’est trop souvent perdu entre temps dans l’esprit de ceux qui auraient voulu faire célébrer le maintien d’une forme intangible. 

Oui, les chemins ont changé. Ils ne sont plus seulement l’enjeu d’une réunification fondée sur des traditions chrétiennes. Ils sont aussi chemins de révolutions, chemins d’industrie, chemins de conflits migratoires, chemins de langues et de pensées, qu’elles soient, ces langues et ces pensées, véhicules de troubles, de contestations, chemins de déportation ou chemins de discorde.  

Parfois chemins de milieu et d’apaisement entre les opinions contraires. Parfois seulement ! 

Nous nous relions les uns aux autres par nos ressemblances, mais ce n’est pas pour autant le moment de nier nos différences et nos conflits ! Or, si le cérémoniel d’un texte de bonnes intentions était nécessaire, en traçant des pistes pour conforter ce qui s’est fait et rouvrir celles qui sont restées vierges, il aurait certainement fallu privilégier l’écho d’un souffle que le Conseil de l’Europe n’a pas su ou n’a pas voulu donner en ces circonstances.  

Mais a-t-on seulement conscience à Strasbourg que le souffle est dans le moment juste et non dans l’organisation laborieuse de conférences de consensus au plus haut niveau ? 

C’est, autrement dit, un manque de clairvoyance sur son rôle et sur le rôle d’un programme qui peut tout prendre en compte en intégrant concrètement les grands enjeux là où ils se trouvent, du fait de l’histoire qui nous est donnée à relire. 

Je ne m’attendais pas, bien entendu, au souffle de Malraux, mais le temps de l’inventaire aurait mérité un discours de combat.

Il n’y était pas. 

Vingt années après, la cathédrale aurait dû écouter un prêche, pas une consolation ! 

Il faut donc alors réfléchir et revenir à mon point de départ : la volonté d’émouvoir et le symbole. Devant la cathédrale de Santiago, pendant tout un mois, une exposition précise : « l’Europe est le chemin » et on peut y voir les photographies de 24 itinéraires culturels.  

Entre les pavés de la place de l’Obradoiro, trois inscriptions sont maintenant présentes : celle de 1987, le jour où tout a commencé, 2004, lorsque les Chemins de Saint-Jacques ont reçu le Prix Prince des Asturies et 2007 lorsque la place inscrit un vingtième anniversaire où l’Institut des Itinéraires culturels est présent. 

L’Europe est le chemin…et ainsi nous y avons contribué.  

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