Vendredi 29 juin 2007, Echternach pour quelques jours

Je me sens en partance.

Après avoir décrit un grand périple Troyes – Paris – Palerme – Paris – Lille – Luxembourg, je m’apprête déjà à reprendre la voiture pour Paris, puis l’avion pour Cagliari avant de revenir à Paris, le temps de deux réunions, puis de rentrer au Luxembourg pour me rendre à Grenade. 

Ce n’est plus de la prise de connaissance, mais seulement de la représentation.

Heureusement, il y a des amitiés, au milieu et je l’espère quelques surprises. La Sardaigne est pour moi une inconnue. 

Pour quelques jours, le temps du livre sorti du tiroir. 

J’avais complètement oublié l’extraordinaire constat cynique, désabusé et tranchant que constituait « La Plaisanterie » lorsque l’ouvrage nous a atteint comme une lame bien aiguisée au milieu des années soixante. Comment avons-nous pu garder nos illusions alors ? Et pour combien de temps ?

Relégué dans un service militaire qui est plutôt un service disciplinaire destiné aux ennemis du Parti, le héros évoque un petit caporal, Slovaque aux cheveux noirs, qui revient parmi ces réfractaires un peu craintifs, parce qu’ils ont tout perdu de leur légitimité sociale, auréolé de la gloire d’être le premier au pas de tir.

« Histoire de tailler une bavette, je lui demandai : « Comment diable faites-vous pour tirer si juste ? » 

Le petit cabot me perça d’un regard inquisiteur avant de répondre : « Pas compliqué, moi j’ai un truc spécial. Je me dis : c’est pas une cible en fer blanc, c’est un impérialiste que j’ai au bout de  ma ligne de mire. Alors, à cran, je mets droit dans le mille ! » 

Je brûlais d’apprendre quelle créature humaine notre brave caporal pouvait bien se représenter sous le concept assez abstrait d’impérialiste quand, allant au-devant de ma question, d’une voix grave et pensive, il me fit cette confidence : « Je sais pas qu’est-ce que vous avez tous à m’ovationner…Enfin voyons, s’il y avait la guerre, c’est bien sur vous, tout de même, que je tirerais ! ». 

Sur qui tirerait donc le petit caporal français, dans quelques mois, s’il n’était plus, chaque jour, ovationné ?