
Bien que j’ai pris du retard dans l’écriture de mes rencontres et de mes voyages, en privilégiant les émotions les plus récentes et les élections françaises, je sais que je ne pourrai laisser passer ma traversée trop rapide de Lisbonne la semaine passée, sans revenir sur les reflets des pavés de ses places et des rues.
Mais je veux y consacrer le temps qu’il faudra pour me sentir bien dans la collecte de l’écume des jours.
Il y a eu également la Sicile fin avril et la découverte très touchante de l’exposition de Dudelange sur les migrations.
Bref, d’autre mondes et d’autres traversées du miroir.
Alors je ferai ce soir l’emprunt d’une belle définition du voyage à Erri de Luca, cet écrivain italien, qui en alpiniste, sait mesurer le danger…et la rareté des heures « A haute altitude, on ne vit pas dans l’abondance, mais j’arrive à m’en contenter. (Sur la trace de Nives)» :
« A propos de poussière, il est écrit que l’Adam fut fait avec la poussière du sol et le souffle de la divinité. De ces deux composantes, je crois que nous devons à la poussière le désir de voyage. La poussière court vagabonde avec le vent, il lui en faut peu, une bouffée, il s’en trouve même dans le sillon de glace des comètes, dans le corps des astéroïdes qui se défont contre l’atmosphère.
La poussière, son mélange, a poussé l’Adam à forcer la connaissance, qui comporte toujours la sortie d’un enclos, d’un jardin. L’espèce humaine s’est répandue partout sur la surface de la planète, à l’image de la poussière. Dans l’hébreu ancien de l’histoire sainte, ce n’est pas une matière méprisée, à balayer, elle est même fertile et contient la promesse de la descendance d’Abraham.
L’autre moitié, le souffle fait de vapeur de la divinité, est au contraire le moteur de la vie, le prodige d’électricité qui donne un élan de vertèbres à la poussière. Ce souffle venu de l’extérieur fait comprendre que même le souffle ne nous appartient pas. »